Salle Pleyel
> 24 novembre

Jephta : du fort bel ouvrage

Georg Friedrich Haendel
Photo William Christie : Michel Szabo ; Katherine Watson : Hugo Bernand
Les Arts Florissants, William Christie, direction

Il fallu plusieurs mois à Haendel pour venir à bout de Jephta qui fut son ultime oratorio. Alors que la cécité s’annonce et que l’inquiétude monte, le Caro Sassone nous livre ici un oratorio «opératique», dramatiquement fort et qui déjà jette un regard sur le romantisme à venir. Il n’est que d’entendre le chœur pivot à la fin de l’acte II, «How dark, O Lord, are thy decrees», pour s’en convaincre.
L’argument tiré de l’Ancien Testament est plutôt simple. Afin de triompher des Ammonites, Jephta promet à Dieu de sacrifier la première créature qui se portera à sa rencontre. Il s’agit de sa fille Iphis, amoureuse du jeune Hamor. Mais un Ange intervient après les appels à la clémence restés vains de la mère, de l’oncle et du jeune homme. Il déclare que la jeune fille ne sera pas sacrifiée mais restera pure et vierge au service de Dieu.
William Christie n’a ce soir procédé qu’à deux coupures dans cet oratorio plutôt long, un récitatif et un air de Zebul à la scène 2 de l’acte II et le duetto et quintet à la fin de l’acte III passant ainsi du dernier air d’Iphis au chœur final.
Chœur et solistes se sont présentés au public sans partition. Ce qui leur a permis de s’autoriser une mise en espace, où le geste et les regards accompagnaient le chant.
La distribution vocale s’est révélée ce soir, très élégante et homogène. Ce sont surtout les deux jeunes interprètes tenant les rôles d’Iphis, Katherine Watson, qui vient tout droit du Jardin des Voix et le contre-ténor David DQ Lee, dans le rôle d’Hamor, que nous avons particulièrement remarqués. Le timbre élégiaque de la jeune chanteuse, son phrasé parfait, sa présence lumineuse, lui promettent un bel avenir. La vocalité superbe de David DQ Lee en fait également un bel espoir de la scène lyrique.
Le reste de la distribution plus expérimenté sauf pour l’Ange cristallin de Rachel Redmond a superbement servi la partition.
Si l’anglais du chœur est encore perfectible, sa force dramatique a fait de chacune de ses interventions un moment héroïque.
Les Arts Florissants sous la direction extrêmement attentive aux chanteurs et aux nuances de William Christie ont apporté de très belles couleurs aux lignes de chant. On retiendra tout particulièrement la flûte traversière solo si mélancolique et suave et le théorbe dont les larmes tendres et douloureuses, semblaient surgir de la nuit.
Le public parisien a délivré une ovation aux interprètes de cette très belle soirée musicale.

Monique Parmentier

Publié le 29/11/2011 à 10:43, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.