Halle aux grains
> 7 octobre

Martha Argerich

GRANDS INTERPRÈTES
Photographies par Adriano Heitman et Christophe Abramowitz
Martha Argerich, piano
Emmanuel Krivine, direction
Orchestre National de France


Un concert splendide réunissant deux monstres sacrés pour un programme somptueux.
Les brèves Variations pour orchestre sur un thème de Nicolo Paganini, opus 26, sont l’occasion pour Emmanuel Krivine et son orchestre de donner un premier aperçu de leurs aptitudes remarquables à offrir à leurs auditeurs un mélange de leur talent collectif et de qualités individuelles que le chef met en valeur de manière subtile. Successivement, les bois, les cuivres ou les percussions s’illustrent de manière très fine, bénéficiant d’une direction extraordinairement précise de leur chef qui cisèle littéralement la partition. Partant du thème des Vingt-quatre Caprices pour violon seul de Paganini, Blacher réunit dans ses 16 variations des styles très différents qui témoignent d’influences multiples, on retient Stravinsky et Milhaud, mais aussi le Jazz. On notera la somptueuse prestation de Sarah Nemtanu, absolument rayonnante.
Suit le Concerto en sol de Ravel, interprété par Martha Argerich, qui aime à dire que ce concerto a été composé pour elle. La toujours flamboyante pianiste s’investit complètement dans son jeu, elle est multiple, féline, douce, séductrice et aussi violente. Les couleurs mélodiques chatoyantes du concerto sont remarquablement mises en valeur dans une harmonie très réussie entre l’orchestre, ses pupitres particuliers et la soliste, heureuse d’être là avec ces musiciens et ce chef, manifestement complice. C’est une mise en œuvre parfaitement réussie des géniales inventions de Ravel, fruit d’un travail très élaboré du compositeur.
Le public est subjugué et a un cadeau supplémentaire sous forme de trois bis, le premier en duo avec Sarah Nemtanu, puis deux en solistes. C’est une apothéose triomphale.
La Suite symphonique, opus 35, Shéhérazade, de Rimski-Korsakov, offre une troisième opportunité à Sarah Nemtanu de donner la mesure de son très grand talent: le violon figure Shéhérazade et sa place monte en force pour se terminer par son triomphe. La partition est difficile et la violoniste s’y montre exceptionnelle. La musique est imagée, fait rêver d’un Orient fort imaginaire, mais qu’importe on se laisse envoûter. Emmanuel Krivine réussit pour faire une comparaison à sortir des parfums lourds et capiteux qui se dégagent d’interprétations parfois un peu ronflantes pour nous offrit une eau de toilette fraîche et juvénile, stimulante.
Une Polka de Strauss, proposée en bis, conclut ce très beau concert. Emmanuel Krivine a saisi l’occasion de présenter la Polka pour remercier Catherine d’Argoubet pour son action de manager éclairé, ce que le public souligne par des applaudissements nourris.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 12/10/2017 à 21:56, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.