Halle aux grains
> 3 décembre

Elias

Grands Interprètes
Photographies par Francois Sechet et Pierre Gabriel
Felix Mendelssohn-Bartholdy, Elias, opus 70 d’après les textes de l’Ancien Testament

On ne peut que féliciter Raphael Pichon et ses musiciens de s’attaquer au magnifique oratorio de Mendelssohn trop rarement interprété comme si le genre devait rester confiné au XIXe siècle! Plus que jamais le compositeur apparaît ici comme un extraordinaire passeur: il a redécouvert Jean-Sébastien Bach dont il admire éperdument les Passions et la Messe en Si et il se situe ici dans la même veine en choisissant comme thème cet épisode de la vie du prophète Elie, lorsque Dieu frappe Israël de sécheresse, parce que le peuple élu l’a trahi et s’adonne au culte païen de Baal.
Seul contre tous Elie essaie de ramener son peuple à Dieu, mais en vain et ce n’est qu’à la marge qu’il réussit. Dieu lui répond en ressuscitant un petit garçon que pleurait la veuve qui vient en aide au prophète abandonné. Comme beaucoup d’histoires de l’Ancien Testament, c’est la vieille alliance, celle-ci est pleine de fureur et de violences. Dieu est prêt à la vengeance, même si les anges incarnent sa volonté de pardon et de bienveillance envers les rares justes.
Stephane Degout campe un magnifique Elie, lui donnant une puissance qui tient à ses convictions et non à des muscles de super héros, ce qui pourrait tenter certains interprètes. C’est un fort malgré sa fragilité! De la même manière, Robin Tritschler est un Abdias remarquable. Sa voix, très ample, rayonne admirablement, il accroche littéralement l’auditeur. La voix aérienne de Julia Kleiter, comme celle de Judith Fa, sont très belles tandis que la mezzo Anaîk Morel donne corps à la reine, cette incarnation du mal, qui relance son peuple dans les bras de Baal.
L’air d’Elie, Es ist genug, est à mettre en parallèle avec le Es ist vollbracht de la Passion selon Saint Jean. Tous deux servent de marqueurs à l’échec du bien qui cède devant les forces du mal. C’est poignant, quelles que puissent être les convictions de chacun. Le dernier quatuor et le chœur final symbolisent l’espoir: Herr unser Herscher! Wie herrlich ist dein Name… N’oublions pas le chœur et les musiciens de l’orchestre: les premiers ont une diction parfaite et les instrumentistes sont fusionnels dans un jeu subtil conduit de baguette de maître par Raphaël Pichon.
Une très belle soirée.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 09/12/2016 à 22:02, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.