Voyage à Paris

CD b-Records

Ce voyage est l’aboutissement d’une formation de jeunes chanteurs à Royaumont auprès de grandes voix d’aujourd’hui, dont Karine Deshayes et Hélène Lucas, qui travaillent d’ailleurs en duo, avec comme objectif de développer leur potentiel tout en trouvant les œuvres propres à mettre en valeur leurs qualités. Cela veut dire un programme composé surtout de mélodies françaises, mais pas seulement, qui sont en quelque sorte mises au service des chanteurs amenés à se produire dans différentes salles du Musée d’Orsay de manière à faire percevoir au spectateurs-auditeurs l’existence d’une harmonie entre le différentes formes d’expression culturelle.
Le projet est ambitieux, mais on peut considérer que professeurs et élèves ont relevé le défi avec un bonheur manifeste dans les deux sens du terme! Quatre duos se succèdent, très différents dans les tessitures et la sensibilité, mais dotés d’une sorte de persuasion: «cette musique est faite pour moi, vous devez m’écouter, elle deviendra vôtre» et ça marche.
Huit pièces réunissent Brenda Poupard, mezzo-soprano, et Anne-Louise Bourion, piano. Elles cisèlent 5 mélodies de Poulenc, les Banalités, dont le Voyage à Paris, qui a donné son titre au CD. Humour et mélancolie se répondent avec une grâce légère très agréable à écouter. Plus profondes apparaissent les 3 pièces de Liszt qu’elles ont choisies, toutes empreintes d’une grande spiritualité. Se succèdent Lasst mich ruhen, Über allen Gipfeln ist Ruh et enfin la très belle prière, Gebet.
Adrien Fournaison, baryton-basse, accompagné au piano par Natallia Yeliseyeva, propose cinq mélodies: d’abord l’Absent de Gabriel Fauté, dont la douce mélancolie est traitée tout en douceur, puis La vague et La cloche d’Henri Duparc, presque de la musique à thème comme aimaient la composeet deux des Abschiedliderr les compositeurs allemands de la seconde moitié du XIXe s… Tirée des Chansons paillardes, la Sérénade de Francis Poulenc résonne joyeusement, la voix est subtilement utilisée pour susciter le rire, mais aussi suggérer une complicité amusée. L’Erlkönig, Le roi des Aulnes, de Carl Loewe, comme son célèbre homonyme, a des sonorités un peu oppressantes avant de suggérer l’apaisement. Les deux artistes parviennent à un équilibre, que l’on retrouve dans le Harfenspieler de Schubert.
Cyrielle Ndjiki Nya soprano, accompagnée au piano par Kaoli Ono, nous offre deux Lieder de Schubert, Der Zwerg et Totengräbers Heimwehe, puis 3 des Chansons de Bilitis de Debussy, deux ambiances très différentes, toutes deux empreintes de nostalgie et de délicatesse. La voix est somptueuse, chaude, donnant beaucoup de relief aux 5 mélodies.
Enfin, le ténor Ted Black, accompagné par le pianiste Dylan, offre une lecture chatoyante de Rêves et de Fleurs, tirés des Proses lyriques de Claude Debussy, avant deux des Abschiedslieder, les chants d’adieux, de Korngold, dont la nostalgie est restituée avec finesse et délicatesse.
Ces voix en devenir ont eu une opportunité exceptionnelle d’enregistrer dans de bonnes conditions et de se faire connaître, ce qui peut avoir un impact positif sur le développement de leurs futures carrières.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 26/02/2024 à 20:58.