Bach à Leipzig

L’apogée d’une pensée créatrice
Stéphane Bois, orgue - CD Hortus.

L’organiste Stéphane Bois propose dans ce CD de rendre hommage à Gérard Bancells, facteur d’orgue toulousain disparu à l’âge de 42 ans en 2020. Ce dernier a construit en 1994 l’orgue placé dans la chapelle Sainte-Claire de l’Institut Catholique de Toulouse. C’est d’ailleurs dans ces mêmes murs que Gérard Bancells, alors âgé de 11 ans, débutait l’apprentissage de l’orgue sous la direction du Père Philippe Bachet, autre personnalité organistique toulousaine.
Aujourd’hui, Stéphane Bois est, entre autres fonctions, professeur d’orgue à l’Institut de Musique Sacrée, composante de l’Institut Catholique. Depuis plus de vingt ans, il enseigne donc sur cet instrument si particulier par son histoire et son origine.
Pour cet hommage émouvant à son ami, Stéphane Bois a choisi les œuvres pour orgue les plus complexes mais aussi les plus profondes de Johann Sebastian Bach. Composées alors qu’il était en poste à Leipzig, les dix dernières années de sa vie, il s’agit essentiellement de chorals. Bach se saisit de ces mélodies simples, chantées lors des offices protestants, pour réellement les commenter en musique grâce à une écriture au contrepoint admirable, art qu’il porte ici à son sommet.
Ce “voyage musical”, comme l’intitule Stéphane Bois lui-même, débute par le redoutable Ricercar à 6 voix de l’Offrande Musicale (1747). Cette pièce monumentale et son interprétation placent d’emblée la barre très haut. La registration, le tempo, le phrasé impeccable permettent à l’auditeur de suivre toutes les lignes du contrepoint sans effort, faisant oublier la complexité de la facture de l’œuvre pour en laisser s’exprimer toute l’émotion.
Les chorals qui suivent, 6 de la Clavier-Übung III (1739) puis 6 de l’Autographe de Leipzig (1749) nous font entendre la richesse sonore de l’orgue Bancells. Les mélodies de chorals se détachent clairement sur les jeux de Sesquieltera, voix humaine, dulzian pendant que les voix de l’accompagnement entremêlent leurs fils dans une clarté parfaite. L’interprète connait parfaitement cet orgue et sait en tirer le meilleur parti.
Il en est de même avec les Variations Canoniques sur Vom Himmel hoch da komm ich her. Ces canons savants sont interprétés là encore de manière claire et finement ciselée.
Le dernier choral, Vor deinen Thron tret’ich hiermit (Devant ton Trône je vais comparaître) conclue avec une grande émotion cet hommage.
Notons l’excellente préparation de l’instrument pour cet enregistrement: l’accord et l’harmonisation étant particulièrement réussis et permettant à l’orgue de donner le meilleur.
Très belle réussite que ce CD!

Pierre-Jean Schoen
Publié le 24/10/2023 à 21:50.