Teatro La Fenice di Venezia
> 30 mai

Norma

Photos par Michele Crosera
L’affaire se passe dans une colonie: Pollione et Flavio sont des colons, style britannique, tandis que les autres protagonistes sont devenus des Africains, le décor symbolisant cette mutation puisque le fond n’est autre qu’une silhouette de masque traditionnel. Les costumes des druides, prêtres et soldats «africains» n’ont guère d’ancrage historique, ce qui laisse au spectateur toute latitude pour se situer en fait où il veut. Un instant de surprise est vite passé et on se laisse prendre au jeu somptueux de l’orchestre et des voix, dans l’ensemble superbes. Kunde incarne un Pollione qui a une présence remarquable, intense, sans céder au moindre excès mélodramatique, tout comme Roxana Constantinescu qui incarne excellemment Adalgise, faible et forte, douce et déterminée à la fois. Le grand prêtre a les accents qui conviennent et Clotilde comme Flavio tiennent parfaitement leur position. Reste Norma, interprétée ici par Carmela Remigio. Le rôle est énorme et ses grands airs sont connus, donc on l’attend, ce qui n’est jamais confortable pour un artiste, si expérimenté soit-il.
«Casta diva» arrive trop tôt, elle n’est pas encore pleinement en voix, donc on est un peu déçu. Cette réserve disparaît en revanche à partir de la deuxième scène du 1e acte. La voix est alors d’une admirable plénitude et les duos avec Adalgise sont une pure merveille: les deux cantatrices arrivent à un équilibre exceptionnel, se servent mutuellement de faire-valoir, ce qui n’est pas si naturel! C’est l’occasion d’apprécier deux tessitures impeccablement maîtrisées au service d’une émotion qui ne faiblit pas. Le trio final confirmera cette belle impression.
La montée en force du drame au cours du second acte jusqu’à l’issue fatale est bien maîtrisée, il y a d’ailleurs dans cette sublime salle de la Fenice une émotion qui saisit l’ensemble des spectateurs. Des applaudissements nourris saluent la prestation des artistes justement récompensés. On quitte le théâtre, éblouis, pour se retrouver dans la ville baignée par le soleil de fin de journée. Gondoles et vaporetti s’entrecroisent sur le grand canal vite rejoint. San Giorgio et la Douane de mer scintillent, on se prend à rêver que la magie va durer…

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 08/06/2015 à 20:31, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.