Opéra National du Rhin Strasbourg
> 6 mars

Götterdämmerung d’exception

Richard Wagner, David Mac Vicar, Marco Letonja
Photos Alain Kaiser
Débuté il y a 6 ans le Ring de l’Opéra National du Rhin s’achève en apothéose alors que bien souvent ce dernier opus de la saga wagnérienne est le plus périlleux. David Mc Vicar signe une mise en scène d’une intelligence et d’une sensibilité rare. La cohérence de sa proposition s’appuie sur le parfait respect des didascalies avec une mythologie enrichie subtilement. Japon et Inde sont habilement suggérés et visuellement la beauté des costumes de Rae Smith et des décors de Jo Van Schuppen s’accorde avec celle des lumières de Paul Constable, absolument magiques. L’Opéra National du Rhin fait preuve d’une maîtrise technique admirable dans des changements de décors à vue, non seulement beaux et rapides mais qui participent à l’action sans heurts. Des projections poétiques suggèrent, eau, feu, profondeur. La direction d’acteur est d’une vérité criante et permet aux personnages archétypaux de prendre vie comme rarement. L’utilisation de très beaux masques aux moments clefs rappelle la symbolique du théâtre dans ses origines et la mise en abyme est très réussie. Grane est une créature mi homme mi articulée bouleversante, création poétique inouïe.

L’orchestre philharmonique de Strasbourg très à l’étroit dans la fosse, rivalise de musicalité et de vaillance sous la direction de Marco Leonja. Ce chef a récemment dirigé Götterdämmerung à Lisbonne. Il en maîtrise les plus infimes détails et obtient jusqu’à une couleur chambriste de l’orchestre en des nuances infimes. Sa conception d’ensemble trace une dramaturgie sensible qui efface la durée du temps réel pour entrer dans le temps de l’action qui semble passer trop vite. Toujours attentif aux chanteurs, jamais il ne les met en difficulté et n’abuse pas de la nuance forte dans les moments orchestraux. La marche funèbre avec un simple rideau noir a été un moment sidérant de théâtre (intérieur) et d’émotion musicale portée à l’incandescence.

La distribution est d’une parfaite homogénéité depuis les Nornes et les Filles du Rhin jusqu’au rôle écrasant de Brunehilde habité totalement par l’immense soprano riche en couleurs de Jeanne Michèle Charbonnet. Le Siegfried de Lance Ryan est à la fois vaillant et bon enfant, acteur habile à montrer le manque de culture du héros de nature. Mais c’est peut-être le méchant, comme dans les bonnes sagas, qui tire la couverture à lui. En véritable géant Samouraï, tout armuré de noir, Daniel Sumegi, basse noire et rugueuse et très bon acteur, est fantastique de présence. Tous les autres chanteurs-acteurs méritent d’être loués pour leur implication totale. Cette production va être donnée à Mulhouse puis plus rien n’est prévu. Appel donc est lancé, pour revoir cette merveille et les autres opus dont la critique nous assure, et nous le croyons bien, qu’ils étaient de la même eau. Un Ring de cette tenue et de cette qualité est d’un niveau international. Wagner dans sa recherche de Gesamtkunstwerk a été exaucé à l’Opéra du Rhin sans le moindre doute.

Hubert Stoecklin




Publié le 09/03/2011 à 10:01, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.