Orangerie de Rochemontès
> 10 mars

De romances en sonates

Duo Sandrine Tilly, flûte, et Anne Le Bozec, piano
La magie de Rochemontès a servi de cadre idéal au récital proposé par le duo Tilly – Le Bozec ce dimanche après-midi. Les deux artistes, qui travaillent ensemble depuis 20 ans, ont d’abord proposé une interprétation délicate de la sonate pour flûte et piano de Francis Poulenc, que le compositeur avait créée en 1957 avec Jean-Pierre Rampal. La musique de Poulenc est mélodieuse, évocatrice de nature comme de sentiments profonds malgré son apparente simplicité. Le concert se poursuit par Les Romances pour hautbois et piano, op. 94 composées par Schumann six ans avant sa mort, lorsque la dépression envahissait son esprit et marquait sa musique qu’elle enferme en quelque sorte. Les thèmes s’élèvent puis retombent, l’ensemble est empreint d’une mélancolie infinie, comme si le compositeur recherchait un paradis perdu, croyait y parvenir avant d’échouer. Le récital continue avec la suite populaire hongroise pour flûte et piano de Bartok, transcrite dans cette version par son élève Paul Arma; Bartok, fasciné par la musique populaire de son pays, voulait la sauvegarder et a mis beaucoup d’énergie dans ce travail, rendu difficile par l’hétérogénéité des supports, réussissant à conserver des sources musicales d’une immense richesse. La Suite est d’une grande diversité et en l’écoutant, on danse en Transylvanie avec les Hongrois de Roumanie, on rêve au bord du lac Balaton, la putzta poudroie sous le soleil de l’été. Le jeu des deux musiciennes est magnifiquement évocateur associant sensibilité et virtuosité, on s’évade en les écoutant, Rochemontès s’est déplacé dans les plaines magyares.
Après une courte pause, on aborde la Sonate pour flûte et piano, op. 94, de Prokofiev, que l’on entend souvent dans sa version transcrite pour violon à la demande de David Oïstrakh. Très divers, les 4 mouvements sont d’une extrême richesse, les deux musiciennes réussissant le tour de force de nous faire entendre plusieurs instruments par la magie de l’évocation et de la virtuosité. En totale harmonie l’une avec l’autre, elles entraînent l’auditeur subjugué dont la mémoire croit entendre Pierre et le Loup ou L’amour des trois oranges. Elles se jouent des difficultés techniques comme des musicales, ayant l’air de s’en jouer.
Le public est enthousiaste et applaudit, y gagne deux bis, dont l’air de Lensky faisant pour rien sa demande à Olga, tiré d’Eugène Onéguine. Une fois de plus Catherine Kaufmann a réussi son pari. Elle remplit l’Orangerie, elle sert la musique et nous procure un merveilleux moment, alors simplement merci.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 14/03/2013 à 14:46, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.